Objectif Autonomie
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Pour notre autonomie, nous appelons à la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé
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L’allocation adulte handicapée (AAH), un minimum vital

L’Allocation Adulte Handicapé est un revenu de remplacement permettant aux personnes ayant une incapacité totale ou partielle de travailler de vivre dignement. En France, les textes fixant les conditions d’obtention et le calcul des allocations sont un enjeu central de la lutte pour les droits des personnes handicapées. Bien qu’essentiel à la survie de plus d’un million de personnes, le montant maximal de l’AAH est de seulement 902,70 euros, soit en dessous du seuil de pauvreté. Depuis sa création en 1975, ce ne sont pas les revenus de la personnes handicapée qui servent de base au calcul de l’AAH, mais les revenus du couple : le montant de notre allocation dépend des revenus de notre partenaire. Depuis 45 ans cette loi organise la dépendance financière des personnes handicapées vivant en couple – il est temps d’en finir.

Pire, le gouvernement a décidé en 2017 de geler le plafond maximum pour les bénéficiaires vivant en couple malgré l’augmentation du coût de la vie. Depuis, les personnes handicapées en couple dont la ou le conjoint·e bénéficient d’un revenu supérieur à 27 231 euros par an, soit le salaire moyen actuel en France, ne peuvent pas toucher d’AAH. Si le ou la conjoint·e bénéficie d’un revenu inférieur à ce montant, l’AAH de la personne handicapée est amputée proportionnellement. Il s’agit d’une véritable dépendance organisée, aux conséquences désastreuses sur nos vies et nos quotidiens et contraire à La Convention relative aux droits des personnes handicapées pourtant ratifiée par la France en 2010. Il est temps de considérer les personnes handicapées comme des citoyennes à part entière et de nous permettre de mener une vie digne et autonome !

Contre la condamnation à la pauvreté et l’isolement

Le revenu socle qu’est l’AAH doit être garanti à tous les ayant-droit, sans distinction, car l’indexation du montant de l’AAH sur les revenus du conjoint aggrave lourdement les inégalités auxquelles nous faisons face en tant que personnes handicapées dans tous les aspects de notre vie. Incitées à rester vivre chez nos parents ou bien à vivre seules, nos vies sociales s’en trouvent appauvries. Comme les autres, les personnes handicapées doivent avoir le droit de vivre avec qui elles veulent et de fonder une famille en toute autonomie.

Le droit à une vie de couple et de famille

Vivre en couple ou être indépendant financièrement : voilà le choix que le gouvernement impose aux personnes handicapées.

Il est important de se séparer du cliché qui présente les personnes handicapées et malades chroniques comme dépourvues de vie affective, de vie sexuelle ou de vie de famille, renforçant l’idée que nous sommes attachés à nos partenaires par une relation d’assistance et de dépendance, avant d’y être attaché comme partenaires de vie. Nous ne sommes pas objet de charité, des objets d’assistance. Nous sommes des individus ayant droit à l’autonomie dans nos vies affectives, émotionnelles et relationnelles, c’est ainsi que nous exigeons d’être considérés. Sur ces sujets, les personnes handicapées sont des individus comme les autres. Rien ne justifie de nous priver de notre indépendance financière et de sacrifier notre capacité à pouvoir assurer nous-mêmes nos dépenses quotidiennes, dont nos frais de santé.

Selon une étude de l’IRDES, les dépenses de santé des bénéficiaires de l’AAH sont près de quatre fois plus élevées que celles de la population générale. Cela veut dire que même lorsque l’AAH n’est pas ramenée à zéro par son système de calcul, il est totalement insuffisant à assurer la survie d’une personne handicapée. Concrètement, les personnes handicapées qui ne peuvent pas travailler sont souvent dépendantes de leur conjoint pour leur accès aux soins. Et quand bien même il y aurait une participation du conjoint, les frais de santé pèsent toujours très lourd sur le budget du couple.

Au-delà des frais de santé il s’agit aussi du quotidien entier qui dépend du conjoint : se vêtir, avoir un téléphone personnel, aller au cinéma, boire un verre avec des ami·es, n’y a-t-il pas là une atteinte à aux libertés individuelles ?

Nous respectons bien sûr les choix des personnes en couple qui décident de ne pas travailler et de vivre à deux, en famille, sur les revenus d’une seule personne. Mais cela doit rester une décision. Les personnes handicapées en couple qui ne peuvent pas travailler n’ont pas ce choix.

Les violences domestiques envers les personnes handicapées

A cela s’ajoute la question des violences conjugales. Selon L’enquête de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne*, 34% des femmes handicapées sont victimes de violences conjugales contre 19% dans la population générale, soit près du double. Sachant que la dépendance financière favorise les violences conjugales, il apparaît clairement que l’asujettisement de l’AAH aux revenus du conjoint participe à généraliser les violences faites aux femmes handicapées.

De par l’emprise psychologique, il est très difficile de se libérer d’un conjoint violent même quand on dispose de ses propres revenus. Cela l’est plus encore quand on est confronté à des besoins d’accessibilités spécifiques (rampes d’accès, langue des signes, braille). Il faut encore ajouter à cela que selon une étude du CREDOC les personnes handicapées ou malades chroniques sont sensiblement plus isolées socialement alors que l’entourage joue bien souvent un rôle déterminant dans la possibilité de s’échapper d’une situation de violence.

Le mode de calcul actuel de l’AAH maintient les personnes handicapées victimes de violences conjugales dans des situations dangereuses pour leur intégrité physique et psychique voire leur survie dans les cas les plus graves.

Une mobilisation d’ampleur

Nous sommes des centaines de personnes handicapées et malades chroniques à nous être mobilisées pour notre autonomie sur les réseaux sociaux autour de la pétition au Sénat de Véronique Tixier, notamment sur le hashtag #SignezPourNotreAutonomie qui a été relayé par les journalistes et médias. Le projet de loi ayant été adopté par le Sénat, c’est aujourd’hui vers vous que nous nous tournons.

Chères Députées et chers Députés, entendez nos revendications. Nous avons droit à une allocation minimale pour notre existence, et que celle-ci soit indépendante de notre situation de couple. »

* “L’enquête de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne qui s’intitule « Violences à l’égard des femmes » fournit quelques données permettant de comparer la situation des femmes handicapées à celle de l’ensemble des femmes. Il en ressort que 34 % des femmes se déclarant concernées par un handicap ou un problème de santé subissent ou ont subi la violence physique ou sexuelle d’un compagnon, contre 19 % des femmes dites valides. En outre, 61 % de ces femmes ont été victimes de harcèlement sexuel, contre 54 % des femmes dites valides.” [http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20181203/femmes.html]

 

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