Objectif Autonomie
Collectif antivalidiste et antipsychiatrie contre l’enfermement sous toutes ses formes. Liberté et autonomie pour toustes!
1er mai: mobilisé-es pour les travailleur-euses, et pour les autres
Categories: Blog

Perspectives antivalidistes et anticarcérales sur le travail

Une institution est tout établissement ou service où les gens n’ont pas le contrôle de leur vie. Un établissement ou un service pouvant être une institution privée ou publique, une maison de retraite, un foyer d’hébergement, un foyer de l’enfance, un hôpital de jour ou un centre d’aide par le travail (Self Advocates Becoming Empowered). »
Via « L’abolition carcérale doit inclure la psychiatrie », Stella Akua Mensah

Pour en finir avec l’accompagnement par le travail

L’emploi pour toustes n’est pas un objectif à atteindre

On reconnaît difficilement notre lutte antivalidiste dans l’expression « privé-es d’emploi » de la manif unitaire du 1er mai. Nombre de personnes handicapées et fols ne peuvent pas taffer, et ne veulent pas taffer. On en a ras-le-bol que le seul discours autour du handicap et de l’emploi, ce soit de fournir des emplois « accessibles ». Pour nous, c’est ni possible, ni réellement souhaitable.

Le travail n’est pas un traitement

Le travail pour toustes, c’est surtout un très bon moyen pour les gestionnaires de justifier l’exploitation des personnes handicapé-es et fols. Cette exploitation se prépare très jeune. Les enfants handicapé-es et fols sont très rapidement exclu-es du milieu scolaire ordinaire, et envoyé-es en institution type IME. Le chemin tracé après l’institution, c’est direct l’ESAT, les « entreprises adaptées » ou les « emplois protégés ». Le chemin s’achève en EPHAD, où les personnes handicapées sont les plus jeunes. Ce sont des vies entières passées en cage. Ces cages dépendent de l’inaccessibilité de tout l’environnement à l’extérieur de celles-cis, et de l’absence d’alternative.

L’ESAT, Etablissement et Services d’Accompagnement par le Travail, c’est de la charité. Le nom est assez explicite, et c’est le descendant direct des Centres d’Aide par le Travail, encore plus explicite. Quand t’es handicapé-e, si on te fait taffer on te rend un « service », on « t’aide ».
Une orientation en ESAT par la MDPH, ça s’inscrit dans une logique de protocole de « soin » ou de « réinsertion ». C’est exactement la même logique que le travail en taule, c’est considéré comme un privilège. De la même manière, en HP, le travail fait souvent partie du « traitement ». Seule alternative face à un enfermement plus stricte: le travail devient un privilège d’avoir quelque-chose à faire de ses journées, de sortir de l’hôpital psychiatrique, du foyer ou de la taule.

D’ailleurs, ça se voit bien dans les « peines alternatives » qui sont promues par l’AP et tout un tas d’autres: la semi-liberté c’est littéralement de la taule où tu sors pour taffer. Donc t’es condamné-e, t’as le droit à plus rien, sauf te faire exploiter pour te « réinsérer ». En réalité, les gestionnaires et les entreprises collabos, que ce soit en taule ou en ESAT, n’ont aucun intérêt à cette « réinsertion »: elles ont à disposition une main d’oeuvre littéralement enfermée ou enfermable, quasi gratuite, et avec aucun moyen de se défendre. La quintessence de ça, c’est la mise en place récente d’ESAT en taule. Pratique, quand au bout de 60 jours de taule ton AAH descend à 30%.

L’ESAT par exemple, ne dépend pas du code du travail mais du code de l’action sociale et des familles. Il n’y a pas de droit syndical, pas de droit de grève, et la rémunération de 55 à 110% du SMIC dépend de la productivité. En théorie, l’ESAT est censé être limité aux personnes qui ne peuvent pas travailler en milieu ordinaire ou en entreprise adaptée. Il est censé être un chemin de réinsertion vers d’autres types d’emploi. En pratique, l’ESAT cherche à conserver les personnes les plus productives. Le chemin de sortie de l’ESAT vers l’emploi ordinaire est très rare (0,45 à 2%).

Dans le cas de l’ESAT, comme pour toutes les institutions gérées par des assos gestionnaires, et comme pour les lieux d’enfermement type taule ou CRA, les gestionnaires et les entreprises collabos sont financés par l’état pour la gestion. Pour elles, c’est tout bénéf. Dans le cadre de l’ESAT, l’entreprise n’emploie pas directement les travailleureuses, mais sous-traite aux gestionnaires. Nous regrettons de voir que ces questions sont absentes des revendications du 1er mai. A notre connaissance, aujourd’hui, aucun syndicat ne s’est positionné sur le travail en ESAT au-delà d’une vague mention du droit syndical. Pourtant, c’est vraiment pas très radical. Même l’ONU demande leur fermeture.

Sauf que ce n’est pas surprenant. En ESAT, les travailleureuses, ce sont les « moniteurices », pas les « bénéficiaires ». Les syndiqué-es, ce sont celleux dont le taf dépend de l’exploitation des handicapé-es. De la même manière, dans les syndicats ce sont les agent-es de la psychiatrie qu’on entend, pas les patient-es. Ce sont les travailleureuses des institutions, pas celleux qui en dépendent. Heureusement, les luttes handicapées vivent depuis longtemps et continueront à vivre. Les travailleureuses handicapé-es n’ont pas attendu d’avoir le droit de se syndiquer pour lutter contre le système des associations gestionnaires, et en particulier contre l’APF, après 1968.
Manifs, blocages, grèves… les cibles sont déjà les mêmes: l’APF, l’UNAPEI, l’ADAPT, tous les gestionnaires, et plus récemment les MDPH.

En ce 1er mai, nous revendiquons le droit de ne pas travailler.

Celui-ci nécessite d’abord la déconjugalisation de l’AAH, son augmentation, son attribution systématique et sans conditions de ressources; la fermeture de tous les lieux d’enfermement, la fin de l’habitat ségrégué; et l’accessibilité des logements, des transports et des loisirs; la fin de l’exploitation des personnes enfermées et du contrôle par le travail.

LA LUTTE CONTRE LES GESTIONNAIRES EST PLUS QUE JAMAIS NÉCESSAIRE:
NE LES LAISSONS PAS TRANQUILLES!

car, enfin, je trouve scandaleux que vous puissiez disposer de mon existence et que vous vous permettiez de m’imposer vos solution par pressions et chantages ou intimidations. l’apf serait-elle une police destinée à faire régner l’ordre public et moral chez nous, les handicapés?”
– Lettre d’un locataire à l’APF, publiée dans Handicapés Méchants en mai 1975

 

Ressources

Sur l’histoire des luttes antivalidistes en France

– Le travail comme terrain de luttes politiques des personnes handicapées

Le travail comme terrain de luttes politiques des personnes handicapées


– Archives du journal Handicapés Méchants (1974-1979)
https://www.archivesautonomies.org/spip.php?article9
– Archives du journal Marge (1974-1979)
https://archivesautonomies.org/spip.php?article102
– Des paralysés étudiants aux handicapés méchants
https://www.cairn.info/revue-geneses-2017-2-page-56.htm
– Handicap, une histoire
https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-lhistoire/handicap-une-histoire-44-survivre-ne-suffit-pas-handicap-les-luttes-pour-legalite
– Manifs de 2020 et 2021 https://paris-luttes.info/manifestation-pour-l-acces-aux-13468

Rassemblement pour la déconjugalisation de l’AAH (Paris, 13 juin 2021)

 

Sur le handicap et le travail

– Business charitaire et extrême droite, les cafés joyeux.
https://basta.media/Cafe-Joyeux-Manif-pour-Tous-Anti-IVG-Opus-Dei-cathos-integristes-Brigitte-Macron-communaute-Emmanuel
– Vivre avec – Handicap et travail: quand le calcul de l’AAH oblige à s’épuiser au travail

– Alistair – sur la différence entre capacité à travailler et capacité à avoir un travail

Comment le handicap impacte ma capacité à avoir un travail, indépendamment de ma capacité à travailler


– Thread lecture-commentée de Handicap à vendre et témoignage de @Esatdesesperant
lui-même travailleur en ESAT. Partie 1: https://tinyurl.com/mr4xta2z Partie 2:
https://tinyurl.com/bdzrma63

Sur l’anticarcéralisme et la psychiatrie

– « L’abolition carcérale doit inclure la psychiatrie », Stella Akua Mensah, 2020,
https://infokiosques.net/spip.php?page=lire&id_article=18444

Sur le contrôle par le travail

– Sur le contrôle par le travail des afro américains depuis la fin de l’esclavage: Angela Davis
« 2. Esclavage, droits civiques et abolitionnisme, » dans La prison est-elle obsolète? (2003).
https://infokiosques.net/IMG/pdf/la_prison_est-elle_obsolete-pageparpage.pdf
– Le contrôle de l’espace public en France depuis la fin du déli de vagabondage
https://carapatage.noblogs.org/carapatage21-le-controle-de-lespace-public-depuis-la-findu-vagabondage/

Sur le travail et la psychiatrie

– « Ergothérapie » dans Psychiatrisés en lutte p.8-9-10; via zinzinzine.net (date de 1975,
malheureusement le travail est toujours considéré comme un « soin » en psychiatrie).
http://data.over-blog-kiwi.com/1/85/65/14/20180516/ob_80c947_psychiatrises-en-lutte-n-1.pdf
– Normaliser pour mieux faire travailler. « La longue marche vers la contention sociale » dans
Sans Remède 5 (2014) p.43; via zinzinzine.net
https://sansremede.fr/wp-content/uploads/2014/09/sansremede_05.pdf

Sur les peines alternatives

– Contrôle judiciaire: https://infokiosques.net/spip.php?article717
– Peines alternatives et réinsertion par le travail:

Carapatage #3 : La construction de nouvelles prisons


– « La réforme on s’en fout on veut pas de prison du tout » (2019):
https://paris-luttes.info/la-reforme-on-s-en-fout-on-veut-11574?lang=fr
– Une nouvelle Structure d’Accompagnement vers la Sortie (SAS) prévue dans le 93, il y a toutes les infos sur les entreprises collabos ici https://paris-luttes.info/la-construction-d-une-nouvelle-15491?lang=fr

Comments are closed.